Suivi de l’opération d’évaluation archéologique du village d’Esvres-sur-Indre
(sous la direction de Jean-Philippe Chimier et Nicolas Fouillet)
Évaluation archéologique d’une agglomération d’origine protohistorique et considérations générales sur le château
L’ancienneté des occupations archéologiques du village d’Esvres (département d’Indre-et-Loire) est connue depuis le début du XXe siècle et les premières fouilles archéologiques. La connaissance du site a pris un nouvel essor à la fin des années 1990 avec le développement de l’archéologie préventive, notamment la fouille de la nécropole gauloise de Vaugrignon.
Depuis 2011, la recherche sur le site se développe autour d’un programme scientifique du Laboratoire Archéologie et Territoires (LAT) de l’UMR 7423 Citeres (CNRS – Université de Tours). Il a pour objectif l’étude de la formation et de l’évolution du village d’Esvres et l’évaluation archéologique du territoire communal. Le programme de recherche archéologique « Evena » est structuré sous la forme d’un Projet Collectif de Recherche (PCR) du Ministère de la Culture et mis en œuvre au sein de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) sous la forme d’un Projet d’Activité Scientifique (PAS) triannuel. Il est financé par la Région Centre, le Ministère de la Culture et l’Inrap.
Le programme comprend d’une part l’étude de la documentation anciennement acquise, dont celle provenant des fouilles d’archéologie préventive. D’autre part elle prévoit l’acquisition de nouvelles données, par l’intermédiaire d’interventions de terrain : sondages dans le bourg, prospections pédestres en milieu rural, étude du patrimoine bâti et études archivistiques.
Une agglomération d’origine protohistorique
Le site du village est occupé depuis la fin du 2e âge du Fer. Les vestiges archéologiques montrent la continuité de l’occupation tout au long de l’Antiquité. L’habitat actuellement reconnu sur le rebord du plateau est associé à une aire funéraire installée en retrait. L’habitat reste mal connu et sa nature ne peut pas aujourd’hui être caractérisée. Cependant, l’importance des ensembles funéraires, la diversité de statut social de la population inhumée et leur durée d’utilisation de plus de trois siècles suggèrent qu’ils se référent à une population variée, peut-être celle d’une petite agglomération rurale.
La première mention écrite date du VIe siècle. On la doit à Grégoire de Tours, qui qualifie alors le site d’Evena de vicus. Aucun élément archéologique ne se rapporte toutefois à cette occupation.
Les prospections pédestres en milieu labouré et plusieurs diagnostics d’archéologie préventive montrent une occupation rurale dense dès le IIe s. av. J.-C. Elle évolue durant l’Antiquité : le nombre d’exploitations agricoles semble diminuer. Il est possible que l’on passe d’un système d’unités familiales à de petites entreprises agricoles, voire à une économie domaniale.
La documentation est moins riche pour le Moyen Âge, les textes comme les vestiges archéologiques sont rares et le patrimoine bâti n’est pas encore étudié. Toutefois, l’occupation du bourg durant la période médiévale est reconnue par les sondages archéologiques, quelques découvertes et les premières études sur les bâtiments anciens. Une nécropole à sarcophages du haut Moyen Âge est localisée à l’emplacement d’une grande partie du centre-bourg, autour de l’église actuelle. Cette dernière, bâtie aux XIIe et XIIIe, succède à une construction monumentale plus ancienne, non datée. Il s’agit peut-être d’un lieu de culte antérieur. Aucun habitat n’est reconnu pour cette période et le château constitue l’élément bâti le plus ancien. Sa première mention écrite date du XIIIe siècle. Une charte du cartulaire de l’abbaye de Beaumont-lès-Tours évoque le seigneur d’Esvres, Philippe II, qui aurait fait bâtir, au nom du roi, une tour carrée aux alentours de 1220.
Le château est situé sur le rebord d’un éperon formé par deux talwegs perpendiculaires à l’Indre, aménagé en terrasses… Les constructions les plus anciennes ne sont pas datées et actuellement rien ne permet de les rattacher au bâti mentionné dans le texte du XIIIe s.
L’opération d’évaluation archéologique du village d’Esvres
Les campagnes d’évaluation archéologiques sont mises en œuvre depuis 2011. Les sondages sont réalisés durant quatre semaines l’été, par des étudiants en archéologie dans le cadre de stages de formation universitaire. Ils sont dirigés sur le terrain par Jean-Philippe Chimier et Nicolas Fouillet, responsables du programme au LAT. L’étude du patrimoine bâti se déroule en parallèle : inventaire du bâti civil et études archéologiques des édifices monumentaux ; ces dernières, par étudiants des l’université de Tours, dans le cadre de leur mémoire de recherche de master d’archéologie.
L’ensemble castral est ainsi en cours d’étude par Gaétan Desdevant dans le cadre d’un master d’archéologie. Le monument actuel présente différentes phases de réaménagement : aux phases médiévales initiales succèdent sans doute deux phases modernes dont la dernière est datée du XVIIe s. C’est elle qui donne au château son aspect actuel.
La dernière campagne de sondages a eu lieu entre le 15 juillet et le 10 août 2013. Les résultats sont en cours d’étude mais quelques éléments sont d’ores et déjà établis.
Une série de sondages manuels a permis de compléter les informations sur l’habitat qui se développe sur le rebord du plateau et plusieurs sondages ciblés ont été réalisés dans le secteur du château.
Deux sondages à la pelle mécanique ont été entrepris dans la partie sud de l’emprise du parc moderne du château. Ils ont révélé des aménagements se rapportant aux occupations antiques et médiévales. Le mobilier céramique confirme une fréquentation des lieux en continu jusqu’à la période moderne.
Un sondage manuel a été réalisé dans la cour du château. Cette fenêtre d’observation de quelques mètres carrés montre son aménagement au XVIIe et le nivellement du site à la même occasion. Aucun vestige mobilier ou immobilier médiéval n’a été retrouvé. Un autre sondage manuel a été pratiqué à l’emplacement du mur d’enceinte moderne nord. Le mur est entièrement récupéré à la période contemporaine et la date de sa construction n’est pas connue. Il est toutefois bâti sur une rupture de la pente du coteau de l’Indre qui est remblayée et terrassée au moment de sa construction. La datation des remblais est en cours.
Bibliographie
- BLANCHARD, CHIMIER, RIQUIER 2006 Blanchard Ph., Chimier J.-Ph., Riquier S. – Nouvelles considérations sur les espaces funéraires protohistoriques et antiques du site d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), in : Ensembles funéraires gallo-romains de la région Centre, 29e supplément à la RACF, pp. 109-121.
- CHIMIER, DUBOIS 2013 Chimier J.-Ph., Dubois J. – Esvres-sur-Indre de la Protohistoire récente au haut Moyen-Age, Atlas Archéologique de Touraine, http://a2t.univ-tours.fr/.
- CHIMIER, FOUILLET 2013 Chimier J.-Ph., Fouillet N. – Evena. Présentation du programme de recherche archéologique sur le village d’Esvres et son territoire communal et premiers résultats (2011-2012), Bull. de la Soc. arch. de Touraine, 2012, 58, pp. 101-108.
- CHIMIER, RIQUIER 2009 Chimier J.-Ph., Riquier S. – L’organisation spatiale des espaces funéraires d’Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) : état de la question sur les hypothèses de topographie funéraire et sur l’organisation territoriale des occupations protohistoriques et antiques, Revue Archéologique de Picardie, Actes de la tables ronde de Soissons du 07 novembre 2008, pp. 85-95.
- RIQUIER 2004 Riquier S. – La nécropole gauloise de “ Vaugrignon ” à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), Revue archéologique du Centre de la France, Tome 43 | 2004, [En ligne], mis en ligne le 01 mai 2006. http://racf.revues.org/100
Informations complémentaires
En savoir plus sur la nécropole gauloise de Vaugrignon : http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Actualites-des-decouvertes/p-16836-Nouvelles-decouvertes-sur-la-necropole-gauloise-et-gallo-romaine-d-Esvres-sur-Indre-Indre-et-Loire-.htm
Pour citer cet article
Maer Taveira, "Suivi de l’opération d’évaluation archéologique du village d’Esvres-sur-Indre", RIHVAGE, mis en ligne le 17 octobre 2013, consulté le 8 décembre 2024. URL : https://rihvage.univ-tours.fr/suivi-de-loperation-devaluation-archeologique-du-village-desvres-sur-indre/.