Les quatre secrets de François Ier
À l’occasion du 500e anniversaire de la bataille de Marignan et du couronnement du souverain, découverte de quatre châteaux méconnus des bords de Loire où il séjourna. Des merveilles.
Cinq siècles plus tard, il fallait bien fêter Marignan, ce 1515 que tous les Français apprennent sur les bancs de l’école, ainsi que son héros. Vingt monuments et neuf villes du Val de Loire célèbrent tout au long de l’année ce roi géant (il mesurait 1,99 m) couronné le 25 janvier 1515. Il régna trente-deux ans sur un royaume de plaisirs, d’art et de guerre. Amboise, qui vient d’achever la restauration de ses jardins, «le château de son enfance dans lequel il vécut le plus longtemps et où il apprit la vie», rappelle le conservateur Jean-Louis Sureau, concentre l’essentiel d’une ambitieuse programmation. C’est aussi à Amboise que repose Léonard de Vinci, l’ornement du règne. Aux châteaux de la Loire très courus (Chambord, Amboise, Blois), préférons le calme de quatre demeures privées qui portent chacune à leur manière la marque du souverain à la salamandre. L’âme de la Renaissance semble perdurer entre les murs de ces élégantes maisons ouvertes au public par des propriétaires passionnés et passionnants.
1 – Villesavin, une cabane de chantier
Jean Le Breton, secrétaire des finances de François Ier, avec qui il partage sa captivité à Pavie, fait élever ce château gracieux vers 1527 pour surveiller la construction de Chambord, distant de 7 km. Les ouvriers, reconnaissants, lui offrent une vasque sculptée en marbre de Carrare. Ce petit chef-d’œuvre de la Renaissance occupe toujours, cinq siècles plus tard, le milieu de la cour d’honneur de cette élégante demeure dans laquelle séjourna François Ier. Les cuisines – avec tournebroche d’époque – ont connu le souverain, tout comme la chapelle ornée de fresques et le petit oratoire où Marie de Médicis assistait à la messe. On visite encore le pigeonnier monumental et ses 1 496 boulins, construit grâce au privilège accordé par le roi. La décoration de la chambre occupée par le monarque a été revisitée tout comme les salons, au XVIIIe siècle. Mais qu’importe. Il règne à Villesavin un parfum d’authentique qui fait frissonner.
2 – Beauregard, pour la chasse
François Ier utilise le château de Beauregard, voisin de Chambord, comme relais de chasse et en donne la propriété au bâtard René de Savoie. Le bâtiment, remanié depuis, apparaît encore dans une certaine majesté au sommet d’un mont, serti d’un parc à l’anglaise. Il y a ici un trésor que ne put connaître le roi: la galerie tapissée de 327 portraits peints un peu à la manière de Clouet et disposés à touche-touche. Un travail de titan commencé en 1617 et achevé vingt années plus tard. On y retrouve le portrait posthume de François Ier et de souverains étrangers, anglais ou ottoman. 5 640 carreaux de Delft couvrent le sol et racontent une armée en marche sous Louis XIII. Bluffant. Boiseries et plafonds peints achèvent de sublimer ce décor astucieusement mis en lumière et qu’on peut admirer allongé sur des sofas design, idée plaisante des jeunes propriétaires des lieux. Ils organisent des visites guidées qui commencent dans le parc comme une promenade dans l’histoire de l’Europe.
3 – Valmer, côté jardin
À 20 minutes de Tours, l’arrivée au château de Valmer, accroché à son coteau dans la vallée de la Brenne, est un enchantement. Il y a ici comme un petit air de Toscane. Le sieur Binet, l’un des conseillers privés de François Ier, construisit des jardins qui, presque cinq siècles plus tard, demeurent un modèle de réalisation verte de la Renaissance italienne en France. Sept niveaux de terrasses rivalisent de beauté dans un paysage grandiose. On y trouve un potager aux légumes rares (poires de terre ou plantes à goût d’huître) tandis que voisinent dans d’autres parterres des arbustes à fleurs, des hortensias grimpants ou des lilas des Indes. Un petit château Louis XIII (il ne se visite pas) a trouvé sa place entre jardins d’ifs et taupières. Le lieu, d’un parfait équilibre, est ensorcelant et les différences de niveaux du parc offrent des perspectives et des vues dignes d’une villa palladienne.
4 – Troussay, la grandeur du petit
Le plus petit des châteaux de la Loire compte une dizaine de pièces (on en dénombre 450 à Chambord…). Il a été élevé dans le décor boisé d’un joli parc un peu brouillon par un contrôleur des greniers à sel du roi. Le bâtiment presque lilliputien n’en est pas moins charmant, d’autant qu’un de ses propriétaires l’a remanié au XIXe siècle en insérant des éléments de la Renaissance récupérés sur le chantier de démolition du château de Bury et de l’hôtel de Guise à Blois. Cheminée en bois, porc-épic sculpté en façade, grotesques et vitraux lui ont valu un classement au titre des monuments historiques. Sa jeune propriétaire l’ouvre à la visite. Coup de cœur pour la chapelle, si petite qu’on y tient à peine à deux.
Publié le 18/03/2015 par Philippe Viguie-Desplaces pour LeFigaro.fr