Rihvage

Château de Lavardin

Loir-et-Cher (XIe – XVe siècle)

par Daniel Schweitz

 

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QUELQUES FAITS HISTORIQUES


 

  • Habitat gaulois à l’ouest du donjon, tumulus ?
  • Cimetière mérovingien sur le premier palier du promontoire (P1).
  • 1030-1040 : Salomon, premier seigneur de Lavardin, vassal (forestier) du comte de Vendôme.
  • Seconde moitié du XIe s: le château est cité.
  • Vers 1070-1080 : émancipation de ces premiers seigneurs face au pouvoir comtal.
  • Construction d’un logis seigneurial en pierre (conservé pour partie à la base du donjon).
  • Fin XIe-début XIIe s. : guerres féodales entre les seigneurs de Lavardin et ceux de Montoire (3 km).
  • Vers 1130-1134 : Gaymard vend la seigneurie à Mathilde de Châteaudun, épouse du comte de Vendôme Geoffroy III. La « tour » est citée dans l’acte de vente.
  • De 1140 à 1180 : Bouchard IV dit « de Lavardin » reçoit le château en apanage et y habite pendant cette période.
  • 1180 à 1202 : Bouchard IV est comte de Vendôme.
  • 1147 : mariage de Richilde, la fille de Gaymard, dernier seigneur de Lavardin, avec Jean Ier, comte de Vendôme,
  • 1188 : siège infructueux par Richard Cœur de Lion.
  • Seconde moitié XIIe s. aux années 1200 : construction puis renforcement du donjon, construction ou reconstruction des enceintes du château
  • 1372 à 1393 : Jean VII de Bourbon-la Marche, époux de Catherine de Vendôme (fille et héritière de Bouchard VII), est comte de Vendôme.
  • Vers 1380 : travaux de reconstruction au bas du donjon et dans le reste du château.
  • De 1393 à 1446 : Louis Ier de Bourbon-Vendôme est comte de Vendôme.
  • 1400-1410 : construction de l’escalier et des voûtes du donjon, travaux dans le reste du château.
  • 1446 à 1477 : Jean VIII de Bourbon-Vendôme est comte de Vendôme.
  • 1477 à 1495 : François de Bourbon-Vendôme est à son tour comte de Vendôme.
  • 1460-1490 : dernières campagnes de construction, sur le deuxième palier du promontoire.
  • Après le siège de 1590 par l’armée d’Henri IV, duc de Vendôme : démantèlement du château.
  • Fin XIXe, années 1920-1930, de 1966 à 1969 : déblaiement des ruines par le Club du Vieux Manoir.
  • 1987 : la commune devient propriétaire des ruines, d’importants travaux de consolidation sont menés.

 

 

P1 : premier palier du promontoire : basse-cour, grand cellier souterrain, cuisine ? ; P2 : deuxième palier : logis des familiers ; P3 : donjon et sa chemise.

1 : châtelet protégeant l’entrée principale ; 2 : escalier extérieur d’accès au second palier ; dessous entrée des souterrains ; 3 : tour-logis dit du Capitaine-châtelain ; 4 : four à pain, emplacement de la cuisine castrale ? ; 5 : partie basse de la chapelle castrale ?; 6 : grand logis et escalier d’apparat menant au donjon ; 7 : grand souterrain reliant les logis du second palier et le fossé ouest du château ; 8 : donjon entouré de sa chemise ; 9 : ouvrage avancé pour l’usage du canon (?) ; 10 : enceinte extérieure protégeant une basse-cour et le prieuré Saint-Gildéric.

 


Description sommaire des vestiges


 

Le promontoire rocheux qui porte le château est isolé du coteau par un profond vallon. Il présente trois paliers, retaillés et protégés chacun par une enceinte (XIIe-XVe s.). L’enceinte extérieure a été doublée au XVe s.

Sur le premier palier (P1) un châtelet protège l’entrée principale (1) : deux tours, porte ogivale, herse, assommoir (fin XIIe s.), pont-levis à flèches, galerie de mâchicoulis de type breton, embrasures pour le canon (vers 1400). Dans la basse-cour s’activaient les serviteurs et une garnison réduite : caves troglodytiques, entrée du cellier et des souterrains, vestiges de l’escalier d’accès au deuxième palier (2). cuisines et grand four (4). Emplacement du cimetière mérovingien.

Dans le rocher du second palier (P2) : à gauche entrée basse d’un puits débouchant sur le deuxième palier, corps de garde (XIVe-XVe s.), grand cellier renforcé d’arcs brisés (XIIe s.), recreusé avec une ouverture vers l’extérieur, et donc protégé au nord par une embrasure pour arme à feu (sec. XVe s.), rampe d’accès (XVe s.) menant à la partie basse de la chapelle ? (5), au milieu escalier menant au logis du deuxième palier (6).

Sur le deuxième palier (P2), par l’escalier de la chapelle, (5) accès à des galeries souterraines (7). À l’extrémité du palier, logis-tour (XIIe-XVe s.) attribué au capitaine-châtelain (3), chargé de la garde du château en l’absence du comte (XIIIe au XVIe s.). Il est protégé par un corps de garde (XVe s.) qui surveille également le débouché de l’escalier menant du premier au deuxième palier. Naguère jeux de marelle gravés sur le banc de pierre.

Au milieu du deuxième palier : grand logis (6.) avec escalier d’apparat (vers 1490). Salle à cheminée à droite, cuisines avec accès supérieur du puits, silo à grains creusé dans le rocher à gauche. Dans l’escalier niche pour lampe à huile avec masques grimaçants, armoiries du comte sur la voûte. Ce logis était couvert de tuiles polychromes vernissées et carrelé de même.

Sous l’escalier : corps de garde (sec. XVe s.), près de l’escalier souterrain montant du premier palier, d’un grand souterrain éboulé menant dans le fossé du donjon à l’ouest (7), d’un souterrain donnant accès à la partie basse de la chapelle, en passant sous ce corps de garde.

En arrière de ce logis un grand escalier extérieur (disparu) donnait accès au troisième palier et au donjon (8). Il est doublé par un très étroit escalier souterrain (muré) menant devant l’entrée du donjon, au départ d’un souterrain dont l’entrée est visible au bas du troisième palier.

Le troisième palier a été retaillé, il porte une forte chemise renforcée de contreforts (fin XIIe/déb. XIIIe-XVe s.) : embrasures pour le canon (sec. XVe s.). Panorama sur la vallée et le village, sur le prieuré Saint-Gildéric, au loin château des seigneurs de Montoire.

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À l’extérieur : donjon quadrangulaire de 26 m. de hauteur, contreforts (XIIe s.), fenêtres à meneau, galerie de mâchicoulis (XVe s.). À l’étage vestiges de la porte originelle (A) avec petit pont-levis s’appuyant sur la chemise (XIIe au XIVe s.). Dessous, porte percée vers 1380, armoiries du comte Jean VII († 1393) : semis de fleurs de lys (France avant 1380) à la bande chargé de trois lionceaux (Vendôme). Au bas des contreforts traces du travail de sape réalisé après le siège de 1590.

À l’intérieur : salle basse, d’abord espace de stockage seulement accessible depuis l’étage (XIIe au XIVe s.). Vestiges du logis des premiers seigneurs de Lavardin (pierres très allongées du mur sud). Vers 1400 construction, à l’intérieur de la tour d’angle pleine (XIIe s.), d’un escalier d’apparat inspiré de celui du Louvre (B) Il dessert des étages qui sont alors restructurés : voûtes en trompe-l’œil, taillées sur le dessous des marches. Au premier (voir plan) : grande salle, cheminée aux armes de France (C), avec cette fois trois fleurs de lys (vers 1430), fenêtre (D) à meneaux polylobés (fin XIVe s.). Au deuxième : chambres du comte et de sa famille, sous voûtes richement décorées. Décor aux armes du suzerain : Louis II d’Anjou (1384-1417), et de la comtesse douairière : Alix de Bretagne, veuve de Bouchard VI, morte à Montoire en 1377.

À l’extérieur : vue sur la fenêtre à meneaux polylobés (XIVe s.), fenêtre (XIIe s.) murée au XVe s., fosse des latrines du donjon (XVe s.).

Derrière le donjon : pour renforcer la paroi ouest, élargie à 4 m. d’épaisseur (fin XIIe s.), deux tours pleines à la base (E-F) ajoutées aux angles (fin XIIe s), puis une forte tour (G) accolée au milieu (vers 1200). Elle était accessible par une porte haute et un couloir creusés dans l’épaisseur du mur du donjon. Brèche résultant du bombardement du siège de 1590, puis des travaux de démantèlement. La tour sud-ouest renferme un très étroit et obscur cachot (les fameuses oubliettes) seulement accessible depuis l’étage (H) par un puits, mais pourvu de latrines (XVe s.).

Vers le plateau, à l’ouest : premier fossé creusé dans le rocher, ouvrage avancé (pour l’emploi des canons au XVe s.?), deuxième fossé, motte (féodale du XIe s. ?) ou tumulus protohistorique (?), site d’habitat gaulois fouillé avant guerre, site néolithique, plus loin, tour quadrangulaire (Moyen Âge), habitat troglodytique à étage, dit Grottes des Vierges : cheminées coniques, silos, autel en roc (XIe/XIIe s. ?).

Au rez-de-chaussée de la Mairie voir le petit musée : boulets métalliques du siège de 1590, boulets de pierres des canons du XVe s., perrières du Moyen Âge.

 


Bibliographie


 

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